lundi 24 juin 2013

Une semaine à Rome



Mercredi 15 mai 
Rome n'est pas épargnée par la grisaille qui inonde l'Europe. Mais les quelques degrés de plus qu'à Bordeaux sont toujours bons à prendre. Nous venons de traverser à pied la ville pour rejoindre depuis la gare le Trastevere où nous avons loué un petit appart via di Cosimato. C'est un studio en RdC, propret et décoré avec goût. Le propiétaire, un grand italien qui parle français avec un accent charmant nous accueille. Il porte d'autorité la valise de K. Les deux tableaux qui ornent les murs de l'appartement sont peints par lui.  Je ne le sais pas, je dis juste que j'aime bien, il me précise alors qu'il en est l'auteur et me remercie.  Nous ne le reverrons sans doute pas, notre départ programmé mercredi prochain vers 8h30 est l'heure à laquelle il dépose sa fille à l'école.
K. a allumé la radio et je commence à rédiger sous les bavardages des speakers. Il nous faut, en cet fin d'après-midi, faire quelques courses pour notre petit déjeuner de demain et partir à  la découverte du quartier.
Ici tout est calme mais tout à l'heure, quand nous avons quitté la gare, nous avons traversé la ville dans un brouhaha infernal de klaxons et de moteurs. C'est après un kilomètre environ que nous avons découvert la plazza Venezia et envisagé les splendeurs de cette ville multiple. Comme si devant nous s'était ouvert un pop up grandeur nature.
Andiamo !






A deux rues de la via Cosimato, nous entrons dans un Todis. Petite supérette de quartier. J'adore les rayons exotiques de ces supermarchés étrangers. Je m'extasie devant tous les produits comme une gamine !
Nous allons boire une bière dans un bar branchouille avec terrasse parée de chaises et tables en formica coloré.  Nous sommes face à une place qui accueille un  marché le matin. A cette heure, les enfants qui jouent et une fleuriste dans sa boutique débordante de couleurs animent l'esplanade.


Nous trainons dans le trastevere pour prendre la température du lieu dans le jour déclinant et l'odeur du faux jasmin qui croule de fleurs odorantes à chaque coin de rue. Nous dinons ches Poppi Poppi d'une pizza xxl arrosée de vin blanc maison. Retour sous la pluie mais l'air et doux et l'appart à deux pas.






jeudi 16 mai
La météo est fiable : la pluie annoncée a commencé à tomber drue sur la ville pendant la nuit. Quelque part, une gouttière ou un bout de toit bricolés, laissent tomber sur de la tôle en contrebas une grosse goutte vibrante à intervalles plus ou moins réguliers. Je suis réveillée par le tempo désaccordé. Ma nuit avait déjà connu l'épisode de la sortie bruyante du personnel de la pizzeria qui partage son arrière cour avec nous, puis le frigo du studio, un brin trop expressif.
Nous n'avons bien sur pas apporté de parapluie...
Il faut attendre que le ciel se calme un peu pour sortir le nez de l'appartement.


Aujourd'hui nous avons pris rendez-vous avec le Vatican. Peut-être que la pluie aura fait fuir les touristes... Nous rallions l'enclave à pieds, entre deux averses. La suivante nous oblige à acheter un parapluie 5€ à un vendeur de rue. Je le choisis rose fushia, assorti aux bougainvilliers, et réhausseur de ton pâle suite à une courte nuit...








Après la pluie, le beau temps, cet adage a été inventé pour Rome ! Nous abordons la foule de la Basilique sous une chaleur moite. Je n'avais pas imaginé autant de monde, rien ne fait reculer les fidèles et les touristes ici, c'est une évidence dont je vais devoir m’accommoder. C'est au musée du Vatican que nous allons, et heureusement par là, la foule est quand même moins dense que sur la place Saint Pierre, littéralement noire de monde.
Nous traversons jardins et salles, toutes nationalités confondues, avec ou sans guide, toujours avec APN. Les gens mitraillent tout sans presque regarder à l'oeil nu. Photos à la volée, automatiques.
Dans le cortile de la pigna, moi aussi je shoote les paons qui entourent la pomme de pin gigantesque. Ils viennent du mausolée d'Hadrien. Il se trouve que deux jours avant mon départ, j'ai décidé d'emporter pour le lire pendant mon séjour, les mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar. Un voyage littéraire dans la Rome Antique, pour la novice que je suis de cette période de l'histoire, m'évade des tempêtes de klaxons de la Rome d'aujourd'hui. Hadrien restera mon guide tout au long de cette semaine, mon fil rouge au milieu de ce musée à ciel ouvert.





Nous déambulons dans les galeries où les marbres alignés contemplent le défilé incessant de mortels en baskets.
J'ai rangé mon apn, trop de monde, trop de marbres à admirer, trop de tout en fait...
Enfin la chapelle Sixtine. Pleine comme un oeuf. La beauté du lieu souffre du tourisme de masse. Comment se recueillir ici ? Le silence demandé est impossible à maintenir et ceux qui font le plus de bruit sont les gardiens qui invectivent le chaland qui a le malheur d'ouvrir la bouche. Le signal des talkies walkies ramène illico au XXIe siècle. Aucune échappatoire dans le temps n'est envisageable. Il faudrait que mes yeux puissent zoomer sur les fresques du plafond pour rejoindre Michel Ange sur son échafaudage. Si nous avons eu des vies antérieures, il serait bon que notre mémoire ravive celui ou celle qui a vécu avant nous et peut-être visité ce lieu à une époque plus propice. Il en va de même de tous les lieux sacrés. C'est, pour moi, un véritable crève coeur. J'essaie pourtant de m'imprégner le mieux possible, assise sur un banc recouvert de plexiglas, isolée de  la foule par l'entremise de mon crayon à papier et de mon petit moleskine.
Nous quittons la chapelle pour visiter la pinacothèque. Les grands peintres se cotoient le long des galeries dans la pénombre.
J'essaie de tout voir, de tout absorber. Parfois je m'évade par une fenêtre et photographie le paysage qui s'offre en arrière plan de ce musée à la richesse infinie.















Dans la shop du musée, nous achetons quelques cartes postales pour les poster depuis le Vatican qui possède son propre service postal, plus fiable, parait-il que la poste italienne.







Il est presque 16 heures quand nous quittons le musée. Nous cherchons sur notre plan mal détaillé "Fabio", un petit resto bio où nous dégustons une délicieuse salade préparée sous nos yeux. Fabio parle très bien français et nous conseille un marché bio tout près de notre appart, de l'autre côté du pont Palatino.


Un lieu prestigieux par jour, c'est largement suffisant. Le reste de la journée sera consacré à la balade nez en l'air.









Nous voilà de nouveau au bord du Tibre face au Campo dei Fiori. Un coup de fatigue nous oblige à stopper quelques minutes sur les bords du pont Victor Emmanuel II à l'intersection du pont et du lungotevere degli altoviti, un boulevard où la circulation est dense, sens unique sur 4 files de voitures et scooters qui ne connaissent pas les limitations de vitesse. L'endroit est assourdissant surtout qu'en s'ajoute une classe de collégiens en goguette et les sirènes des ambulances !!

plus calme côté fleuve que côté bitume...
Il est temps d'aller flâner dans les vieux quartiers du Campo dei Fiori. A nouveau nous assaille l'odeur si agréable du faux jasmin en fleurs.
Nous nous installons en terrasse de la Vineria Reggio. Prosecco et Frascati. Un monsieur nous aborde au bout de quelques minutes et entame poliment avec nous une conversation. Il est retraité, italien, originaire des Pouilles, ayant  longtemps vécu à Rome. A Paris aussi.
Depuis qu'il est retraité, exilé fiscal, il partage sa vie entre Rome et Berlin. Un mois ici, un mois là bas. Quand nous nous étonnons du grand écart culturel entre les deux villes, il acquiesce et avoue avoir du mal à plaisanter avec cette population dépourvue d'ironie. Il critique gentiment leur rigueur en soulignant cependant que les allemands depuis le 4e siècle viennent en Italie, attirer par la douceur de vivre. Quand j'essaie de lui faire remarquer qu'allemands et italiens ont un point commun, et pas des moindres datant de la 2e guerre mondiale, il détourne la conversation... Si les allemands font depuis leur mea culpa, les italiens ont mis un mouchoir sur leur passé fasciste...
Pas rancunier cependant, il nous conseille de visiter le capitole et le panthéon, lieux chargés d'histoire s'il en est. Nous n'avions pas forcément l'intention d'approfondir la Rome Antique mais l'empressement de cet italien et mon approche de cette période via ma lecture des mémoires d'Hadrien sont en train de faire leur chemin. Il nous conseille aussi la visite du Palais Farnèse, qui héberge l'ambassade de France à Rome, à deux pas d'ici.






A l'appartement, vannées, nous préparons notre dîner. Pasta, pesto et gressins arrosés de Frascati.

Vendredi 17 mai
Il pleut encore. Nous partons en direction de la villa Borghese où nous avons des billets pour une visite à 13h. Nous nous y rendrons en musardant, par le chemin des écoliers. Le tram nous dépose plazza Argentino. Le Panthéon n'est pas si loin, nous y entrerons donc. Le lieu est empreint de solennité, géant de marbre qui reçoit en son centre la pluie qui tombe de l'occulus voulu par Hadrien pour y voir le bleu du ciel et le noir de la nuit.  Le voir un jour de pluie rajoute à la magie du lieu comme si l'occulus pleurait au souvenir de l'époque bénie des dieux où il fut édifié.






Nous rall
ions la fontaine de Trevi et la pluie redouble, faisant écho aux tonnes d'eau que déverse la gueule de la fontaine. L'avantage c'est que je peux la shooter tranquillement, les touristes ayant reculé sous l'averse. Le soleil fait de courtes apparitions, illuminant par instant la pierre si blanche.




La plazza di Spagna nous accueille sous un soleil franc, une trouée dans le ciel juste au dessus d'elle embellie les azalées qui jalonnent les marches jusqu'au sommet.








Nous longeons la Villa Medicis, Rome à nos pieds. Les toits et l'ocre des murs s'étendent à perte de vue.






Nous serpentons un long moment dans les viale de la Villa Borghese. Pléthore de bustes jalonnent notre promenade. Les pins parasols s'élèvent dans le ciel redevenu bleu. Le calme du parc est cependant perturbé par une escouade d'ouvriers en train d'installer des estrades à perte de vue. Une manisfestation se prépare sans doute.



le temple de Diane

la villa Borghese quelque peu défigurée par son "écharpe" verte...
Nous atteignons enfin la Villa et nous préparons au top départ de la visite qui ne peut dépasser 3 heures. Pas de sac, pas d'apn, la galerie n'en est pas moins noire du quota maximum de visiteurs permis à chaque tranche horaire. Les réservations doivent se faire en ligne et longtemps à l'avance..
Peintures et marbres, dorures et marqueteries, une richesse d'un autre temps donnée en pâture. Si les oeuvres d'art s'animent quand les visiteurs quittent les lieux, il doit s'en raconter de belles de toiles en piédestaux !
Dehors le vent souffle et s'il ne pleut plus, le soleil ne réchauffe guère. La dolce vita se fait attendre...




Lestées par une pizza, nous prenons le bus 75 pour rallier le Colisée où le peuple venait profiter des spectacles offerts par leurs empereurs vainqueurs des campagnes qui visaient à consolider et agrandir les frontières de l'Empire.
Il y a donc toujours eu foule ici. Celle des romains qui entraient gratuitement pour jouir des spectacles macabres de mise à mort des bêtes sauvages et des gladiateurs, et celle des touristes du monde entier qui aujourd'hui paient pour entrer dans l'arène.










Le point info proche du Colisée se situe dans un patio au bord du grand boulevard qui contourne le Colosseo. C'est un havre de paix à deux pas des voitures qui ne savent pas aller autrement qu'à tombeaux ouverts ou au pas pendant les embouteillages qui paralysent la ville. Nous récupérons un plan détaillé qui indique les bus et le programme de la nuit des musées qui a lieu demain.



Nous longeons la via dei Fori Imperiali. De part et d'autre, les vestiges de la Rome antique jusqu'à la Place Venezia. Voici le Capitole. Nous longeons son musée le long de la via del Teatro di Marcello jusqu'à la plazza de la bocca della verita. A cette heure, la bocca est protégée par une grille, impossible donc d'y glisser la main.










Le centre historique est à la démesure des empereurs qui se sont succédés à la tête de l'empire. Le flot ininterrompue des voitures qui le traverse gronde comme la colère des dieux qui auraient puni la mégalomanie galopante des hommes en imposant pour des siècles et des siècles un tonnerre de machines.

Retour dans le trastevere par le ponte palatino.



Nous essayons les patisseries locales de la pasticceria valzani.Nougat, chocolat, pain d'épices. Quelques bouchées pure sucre pour presque une bouchée de pain. Un verre de vino blanco suivra, avalé debout devant la terrasse bondée du San Calisto où les consos sont encore moins chères que  les patisseries. C'est le repère d'une faune disparate qui va de l'étudiant fauché aux vieux du quartier en passant par les punks et les alcooliques. Un bar vivant, qui attirent aussi  les bobos qui s'encanaillent le temps d'un verre.


L'appartement est à deux pas. Soirée calme en fond de cour,  lecture et préparation studieuse de la suite du séjour qui sera plus farniente et plus bucolique.

samedi 18 mai
Grand soleil sur Rome. Nous commençons la journée par la visite de l'église Santa Cécilia in Trastevere. On raconte que le corps de la sainte, martyrisée en 230 après JC, fut retrouvé au XVIe siècle sous les catacombes de Rome dans la position exacte du gisant que l'on peut admirer aujourd'hui devant l'autel de l'église. Cette sculpture de Stefano Moderno commandée par la papauté est de toute beauté. La sainte des musiciens (pour avoir chanté pendant son agonie) est immortalisée dans le marbre de carrare avec une telle grâce que l'on se surprend à l'imaginer poursuivre la rotation de son visage vers nous et s'éveiller d'un long sommeil.








Nous traversons le Tibre pour rejoindre le parc Savello dans le Testaccio. Il domine la ville de l'autre côté du fleuve. De jolie proportion, il est réputé pour les orangers qui ponctuent ses pelouses.










Nous redescendons de ce quartier résidentiel où les villas sont majestueuses et les arbres fruitiers croulants d'agrumes.




Au mercato de Testaccio, nous achetons oranges, tomates, fèves et pain aux olives. C'est un grand marché couvert dans lequel nous déambulerons un long moment à admirer les étals de fleurs de courgettes et à écouter la joute verbale entre commerçants et clients.




Devant chez Valpotti, nous avons l'immense surprise de tomber sur Nanni Moretti. Le Testaccio est son quartier, il vient de descendre de son scooter et entame une conversation avec de vieilles italiennes. Il accepte gentiment de poser pour moi mais je suis si intimidée que je ne cadre pas vraiment ma photo. Pas remise de mes émotions alors que nous attendons notre tour chez le traiteur, je le shoote de loin, avec mon zoom pour immortaliser cet instant. K. ne résistera pas à l'aborder ensuite pour lui dire tout l'amour que nous avons pour son travail. S'il y a bien une personnalité romaine que nous souhaitions apercevoir, c'est bien lui !




Le jambon de chez Volpetti sera religieusement mangé avec le reste des victuailles achetées au marché en haut du Gianicollo, Rome à nos pieds. Notre bonne fortune qui a permis cette rencontre inopinée nous portera le reste de la journée.






Nous redescendons par la via Garibaldi en bas de laquelle nous avions acheté jeudi un parapluie. Le ciel s'est couvert et le temps de traverser le ponte Sisto pour rejoindre le Palais Farnese, quelques grosses gouttes s'écrasent sur le pavé. L'ambassade est fermée et de toute façon les visites sont limitées et la réservation se fait en ligne plusieurs semaines à  l'avance. Elle nous abritera cependant de la pluie légère.





Les Fontaines jumelles de la place ressemblent à de gigantesques baignoires. Elle viennent d'ailleurs des thermes de Caracala. La piazza Farnese est tout près du campo dei Fiori où nous avions rencontré ce monsieur qui nous avait conseillé la visite de l'ambassade où sont abritées des oeuvres de Michel Ange.
Nous musardons jusqu'à la Plazza Navona et ses trois fontaines. Beaucoup de touristes, la place accueille aussi des peintres du même acabit que ceux qui officient place du Tertre à Montmartre...










Nous fuyons la foule des grands jours (enfin du quotidien des romains je suppose...) pour rallier le Barnum via del Pellegrino qui offre l'accès à la wifi.



Je m'offre un jus d'oranges pressées tout en écoutant les aventures d'une joyeuse troupe de garçons français en goguette dans la ville. Nous consultons nos mails, profitons du cadre et de nos consommations avant de repartir battre le pavé romain.
De ruelles en ponte, nous voici  à nouveau dans le Trastevere, devant l'église Santa Maria. Nous entrons la visiter. Le prêtre officie, la nef est bondée. Je reste au fond, admirant le plafond en bois doré. Nous quittons le lieu sacré alors qu'un choeur de soeurs vêtues de bleu électrique entame un chant religieux.
Quelques courses chez Conad (Leclerc) et nous rentrons prendre l'apéritif et le diner à l'appart. Il est tôt mais nous avons prévu de sortir ce soir car c'est la nuit des musées. Olives, pecorino, fèves et pâtes au pesto sont au menu.

Vers 19h30 nous attrapons le H pour rallier (à une vitesse excessive comparée aux bus bordelais) le Palazzo delle Esposizioni. Nous sommes coincées à l'avant du bus bondé et voyons défiler les monuments qui deviennent familiers. La plazza Argentina, la plazza Venezia son Capitole et sa volée de marches. Nous fonçons littéralement sur les piétons imprudents et sautons sur les pavés. A plusieurs endroits stratégiques nous repérons des files qui se forment sur les trottoirs. Musées et lieux culturels sont pris d'assaut. Nous voilà à la suite d'une jolie ribambelle de curieux venus visiter comme nous ce soir l'expo consacrée à Helmut Newton. Pendant cette nuit des musées, les expos sont gratuites et enrichies de performances musicales, théâtrales ou dansées. Une demi-heure de queue plus tard et nous avons pu voir cette expo ratée à Paris. Un joli moment dans un musée très fréquenté.




Le retour dans un H bondé que nous avons attendu un heure est un peu moins rigolo mais nous nous sommes bien amusées à être prise pour des romaines (pendant que nous faisions le pied de grue à l'arrêt de bus) par un couple de touristes américains égarés.

dimanche 19 mai


Réveil tardif. Après tout, c'est dimanche... Ayant reporté à mardi notre visite de Tivoli, nous allons flâner aujourd'hui. D'abord les puces du Trastevere à deux pas. Le marché s'étend sur des kms. Quelques jolies choses mais nous arrivons tard. Nous achetons une tasse vintage arcopal made in france, une boite à cigares en métal made in italy et des décalco pinocchio comme ceux avec lesquels je jouais enfant.Une baignoire en zinc nous fait de l'oeil mais elle est trop lourde pour la soute ! Journée off, nous rentrons poser nos achats et nous rafraichir à  l'appart avant de partir à l'affût d'un troquet et profiter en terrasse de la dolce vita romaine.

Dans la rue, je repère pour la seconde fois une fratrie habillée à l'identique. Hier deux soeurs, aujourd'hui deux hermani que je shoote à  la volée. Je croyais cette mode révolue. Elle me ramène à mon enfance où ma mère nous habillait ma soeur et moi de la même façon et de la tête aux pieds !


Le bar à vin où nous souhaitons nous installer en terrasse est plein. En face, le musée du Trastevere propose une expo de photo-journalisme que nous n'avons pas eu le courage de visiter hier soir pendant la nuit des musées. L'occasion est toute trouvée aujourd'hui. Les photos sont très dures : violences, guerres, prostitution, maladies, misère. Un tour du monde de ce qu'il peut y avoir de pire vu par le prisme de photographes talentueux, entre art et reportage.
A l'étage, quelques peintures anciennes et dans des niches, des scènes de vie moyenâgeuses. Une expo de clichés noir et blanc illustre la vie populaire italienne dans le Trastevere et partout à Rome. Métiers, enfants, ménagères des années 50 à 80.
Dehors, le vent souffle et l'air est frais. Nous trouvons une table à l"ombre rosso caffe", au soleil. Frascatti et vin du Piémont accompagnent nos panini.



Sacrifions à la tradition de la glace italienne, mais pas n'importe laquelle. Chez Fior di Luna, tous les produits sont bio. Les glaces sont crémeuses à souhait et pas trop sucrées. Nous la dégustons sur  les marches de la fontaine qui orne la place Santa Maria du Trastevere, au soleil.


Pour fuir le trafic romain, dense même le dimanche, nous rejoignons les hauteurs, via la scalea del Tamburino, une copieuse volée de marches.





En haut, nous déambulons entre des villas énormes et splendides, apercevons des agrumes dans les arbres, hors de portée de main. La route serpente en contrebas des grilles des propriétés.









Piazzale Aurelio, à nouveau des voitures. Il y a un restaurant et un hôtel de luxe, ceci expliquant sans doute cela. Nous rallions à quelques mètres la Villa Pamphily, but de notre promenade. Les pelouses nous sont offertes, comme elles le sont aux romains qui fuient la ville en contrebas. Le parc est planté de pins parasols et de palmiers, ruines et sculptures complètent le tableau.




Une sieste et quelques lignes des mémoires d'Hadrien plus tard, nous redescendons jusqu'à l'appartement. C'est l'heure où les familles quittent le parc pour doucher les bambini et préparer le dernier repas du weekend. Sauf que demain c'est lundi de Pentecôte. Je ne sais pas si les italiens respectent encore ce jour férié.
Nous grignotons gressins, olives, piments farcis au thon, pecorino, pain aux olives en sirotant du prosecco. Ce soir nous avons décidé de voir la fontaine de Trevi et la place d'Espagne by night via le bus H à l'aller et si tout va bien le 280 au retour.


Nous attendons le H un long moment. Derrière nous, un jeune couple de latino-américains discute avec un groupe de religieuses. Scène classique à Rome où les religieux, toutes confessions confondues, sont légion. Le bus est bondé mais rapide et nous voilà déjà place Venezia. A quelques rues, la fontaine de Trevi est noire de monde. Beaucoup plus que pendant le jour de pluie. Nous n'y restons pas mais cherchons dans les boutiques de souvenir alentour un produit qui ne soit pas made in china. Je trouve un savon fabriqué en Italie...

vendeur de marrons chauds...
Nous marchons jusqu'à la place d'Espagne. Beaucoup de monde là aussi. Nous nous asseyons quelques minutes sur  les marches. Puis nous remontons les rues autour de la place où se succèdent les grandes enseignes de prêt à porter de luxe. Nous passons devant le palais Doria Pamphily. Si le parc qui porte son nom reste somme toute simple, les dorures que nous apercevons par les fenêtres de l'étage présument d'une richesse phénoménale. Les palais romains à l'architecture austère cachent bien leur jeu.
Après le ponte Cabour, nous prenons le 280 dans le mauvais sens ! le bus traverse des quartiers résidentiels avant que nous nous apercevions de notre erreur. Le retour se fera dans un bus bondé qui charrie les supporters de l'équipe de foot de Rome. Nous descendons ponte Sisto et avant de rentrer j'achète chez Fior de Luna une bouteille de chinotto (sorte de coca légèrement amer de fabrication locale)

Lundi 20 mai
Nous traversons le ponte Cestio, l'île Tiberina qui héberge un hôpital et enfin le ponte Fabricio pour rejoindre le ghetto. L'île garde un cachet moyenâgeux, période à laquelle elle fut enfin habitée, les crues du Tibre pouvant être terribles et dévastatrices.

Le ghetto est resté authentique.







Via del Portico d'Ottavia se trouve une des plus belles anciennes demeures romaines. Son propriétaire l'a construite en recyclant habilement les ruines antiques.






Nous déambulons aux limites du Forum et du Capitole et longeons le théâtre Marcello dont nous avions descendu la via du côté opposé quelques jours plus tôt.






L'église Santa Maria in Campitelli nous ouvre les bras. Très appréciée des romains, elle fut édifiée à la fin d'une épidémie de peste. L'autel flamboyant tout d'or recouvert met en scène la vierge dans un tabernacle entouré d'anges et de rayons de soleil. Le relief est saisissant.


A deux pas, une merveille romaine, le Palazzo Mattei. Un hotel particulier dont la cour intérieure est décorée de statues en pieds, bustes, bas reliefs. Un bijou qu'il serait facile d'ignorer sans cette curiosité qui nous pousse toujours à jeter un coup d'oeil par les porches ouverts sur la rue.







Je cherche le buste d'Hadrien, il y a plusieurs bustes d'empereurs, mais je ne reconnais pas son visage parmi eux, ni son nom gravé dans la pierre.
Juste après le Palazzo, s'ouvre  la place des tortues. La plus jolie fontaine, à mes yeux, de Rome. Loin du luxe ostentatoire de la fontaine de Trevi, de la place d'Espagne ou de la plazza navona, celle-ci met en scène 4 jeunes éphèbes en bronze, les bras levés vers 4 ravissantes tortues qui escaladent le plateau supérieur du charmant édifice. Finesse et légèreté caractérisent ce petit bijou.







Nous quittons le ghetto par le même chemin, en traversant à nouveau l'île de Tiberina.





la synagogue



Ce quartier est pour moi le plus joli de Rome. Peu de circulation, des bâtisses splendides et raffinées et toujours le poids de l'histoire juive rappelée aux passants notamment par des plaques de cuivres insérées dans les pavés disjoints et signalant la déportation de familles entières raflées dans leur propres maisons.




Chez Conad nous faisons quelques courses dont de la limoncello de Capri, bien moins chère ici que dans les petites épiceries. J'ai quand même acheté dans l'une d'entre elles quelque part dans le ghetto, des pâtes de fruits et des amaretti.
Petite pose à l'appart, nous goutons  le chinotto.
Le 3B nous dépose au métro pyramide où nous prenons le tram n°3 jusqu'à San Lorenzo après une grande boucle qui nous donne à voir et revoir le Colisée, San giovanni etc....




Nous descendons Via de Reti et allons déjeuner au Pommidora, Piazza dei Sanniti, une trattoria soit disant fréquentée par des célébrités mais qui reste fidèle à l'esprit du quartier. A cette heure avancée, la trattoria est quasi vide, nous serons les dernières clientes du service de midi. Les carbonara sont à se damner...
Peu de street art dans Rome, mais il semblerait qu'il y en ait quelques exemples ici.









San Lorenzo est sans doute plus animé le soir. A cette heure de l'après-midi, il n'y a pas grand chose à y voir. Nous nous enfonçons dans les quartiers populaires en ralliant, via un enfer de passerelles pour voitures, trains et trams, le pigneto, envers du décor de la ville éternelle. Ici se côtoient les communautés black/blanc/beur. Dans le tram qui nous a déposé à San Lorenzo, nous avons discuté avec un sénégalais qui nous a conseillé de traîner dans ce quartier populaire. Mais encore une fois, il est sans doute trop tôt, les bars commencent à peine à déployer leur terrasse. Le quartier endormi donne à voir quelques exemples de street art, des bandes qui traînent, des vieux qui prennent le soleil. L'endroit est un peu triste et trop excentré pour que nous y retournions seules le soir.






Le quartier est à bout de souffle, laissé pour compte si près des richesses du Vatican. Mais nul doute qu'une renaissance suivra, les grandes villes sont en perpétuelle mutation et Rome ne fait sans doute pas exception à la règle.
Nous repartons vers le centre en prenant le tram n°5, une vieille machine vert lavabo qui nous dépose à Termini d'où nous montons dans le H jusqu'au Trastevere.


Nous sommes vannées et restons à l'appart à lire tard dans la soirée.
Je finis les mémoires d'Hadrien, et ça tombe plutôt bien puisque nous nous rendons à Tibur (Tivoli) demain, ville où il fit édifier sa villa. Une exposition consacrée au chef d'oeuvre de Marguerite Yourcenar y est installée actuellement. C'est en parcourant le gratuit que j'ai récupéré au point info du Colisée que nous l'avons appris. Cette exposition ne pouvait pas mieux tomber, j'ai hâte d'être à demain.

mardi 21 mai
Pour Tivoli, nous prenons le bus 3B jusqu'à Pyramide, puis le métro jusqu'à Tiburtina. De là le train pour Tivoli. La locomotive musarde entre les banlieues tristes. Petit à petit nous approchons des montagnes et distinguons des villages roses dans les vallées. Végétation de  plus en plus riche et verdoyante, cascade de la villa Georgina au loin.
Depuis la gare, nous traversons le village animé de Tivoli pour rejoindre à pieds la Villa d'Este.











Chaque pièce est recouverte de fresques. Le couleurs sont sublimes. La villa des courants d'air est d'une richesse infinie. Par endroit, le sous sol restauré laisse à voir à travers des planchers en verre, les vestiges antiques.
Nous accédons au jardin.
Malgré le ciel gris et même les quelques gouttes de pluie, les roses et le jasmin embaument. Les fontaines étourdissantes étouffent les conversations des groupes de touristes. Hippolyte a fait piller la villa d'Hadrien par son architecte. On retrouve entre autres une sculpture d'Artémis comme celle qui est exposée au Vatican.




Nous retrouvons l'animation brouillonne du centre ville et demandons notre chemin pour rejoindre l'arrêt de bus qui nous déposera près de la villa d'Hadrien. Le soleil, dans un ciel voilé, nous réchauffe d'un coup. Il faut un billet différend pour une compagnie de bus différente que nous achetons dans un bar tabac avant de courir après le petit bus orange qui dessert la villa située dans la proche banlieue de Tivoli.






Le site est grandiose. Ne reste que des ruines de brique rose, des bassins, des jardins. Ici la coupole d'un théâtre, là le reste de la bibliothèque. Le tout empreint de majesté et de solennité. Ici le touriste est trié sur le volet, moins nombreux, plus respectueux. Hier je lisais les dernières pages du roman où Hadrien, vieux et malade, arpente sa villa où il croise encore quelque ouvrier attelé à finir de poser des mosaïques, déambule dans les odeurs de pigment et de plâtre. Aujourd'hui je marche au milieu des vestiges recouverts de feuilles mortes et de poussière.
Nous pique-niquons derrière la bibliothèque puis nous passons un long moment à admirer ce site immense.







































A certains endroits, étudiants et artistes sont assis, concentrés sur les vestiges des murs et des sculptures qu'ils dessinent ou peignent.




L'exposition qui retrace la vie de Marguerite Yourcenar et son approche si particulière de la vie d'Hadrien, me permet de mettre des visages sur les noms rencontrés au fil des pages du livre. Photos, sculptures, lettres de l'écrivain à sa traductrice éclairent le roman. Certaines oeuvres rescapées des pillages et des dommages du temps sont également conservées ici. J'aurais aimé acheter le catalogue de l'expo mais il n'est vendu que dans la version italienne.
90 ans me séparent de la première visite de Marguerite Yourcenar à la villa Adriana. Elle est tombée sous le charme et finira par écrire ce roman unique qu'elle portera en elle pendant 30 ans. J'ai passé une semaine à Rome, une semaine rythmée par la lecture des mémoires et je conclus ce séjour par la visite de la villa d'Hadrien. La coïncidence de cette lecture au moment ou une exposition lui est consacrée m'enchante d'autant plus qu'elle n'était pas préméditée. Elle est le point d'orgue de ce séjour. Il n'y a pas de hasard, seulement des rencontres heureuses.

jusque dans les jardins de la villa, une jolie fiat 500




Le petit bus orange nous redescend à Tivoli à un train d'enfer. Nous traversons à nouveau le village. K achète pour une amie une petite bouteille d'huile faite avec les olives de la villa Adriana.
A la gare, nous patientons dans le train déjà en gare.
A Rome, la pluie a recommencé à tomber drue. Nous décidons alors de passer notre dernière soirée à l'appartement, lasses de repartir armées de parapluies. Nous avons de quoi préparer un apéritif dinatoire copieux avec les restes du Frigo. Pecorino, poulpes, olives, gressins et Frascatti. La nuit sera courte, depuis  le début de la semaine je ne trouve pas le sommeil, et le réveil sonne à 6 heures.

Mercredi 22 mai
A nouveau le H jusqu'à Termini. Devant nous défile la Rome antique, le bus passe, le pop up se referme. Partout autour sur les rocades, les embouteillages se forment mais nous avançons sans encombre jusqu'à l'aéroport.
Dans la salle d'embarquement, je rédige ces lignes.  Il est temps de conclure ce voyage avant de monter dans l'avion. Je garderai de Rome, sans aucun doute, les odeurs de jasmin, les roses de la villa d'Este. Je n'oublierai pas le bruit des valises sur les pavés, celui des pneus aussi. Rome se traverse à grand fracas de pétarades et d'amortisseurs mis à mal par ce revêtement ancestral. Je me rappellerai d'une ville sale et polluée, des quintes de toux chaque matin dues sans doute aux pollens qui tombent des grands arbres. Je reverrai le tourbillon des places gigantesques, des monuments qui défilent depuis l'avant de l'autobus. Je garderai le souvenir de la foule de touristes qui envahit chaque lieu historique, d'une chapelle sixtine qui doit attendre impatiemment les conclaves pour souffler un peu. Je me souviendrai de la gentillesse des italiens, de leurs bavardages à tue-tête, de l'odeur des pizzas, de la douceur du vin blanc. Mais surtout je n'oublierai pas les moments magiques : le ghetto, la fontaine aux tortues, les fresques de Michel Ange, certaines toiles du Vatican, les murs ocres sur le ciel bleu, le sourire de Nanni Moretti et Hadrien. J'ai fait la connaissance d'un empereur romain, j'ai lu ses confidences à Marc Aurèle, je l'ai imaginé dans ses voyages, fier de ses conquêtes, malade d'amour, grand bâtisseur, homme simple et mortel. J'ai parcouru les ruines de son empire, j'ai respiré l'air de Tibur, mes yeux se sont posés sur  les sculptures qu'il a commandées. Grace à la magie de Marguerite Yourcenar, à la beauté de son style, à son imagination pour embellir l'Histoire, j'ai effleuré un univers à des années lumière de ma vie. Je garderai de Rome cette parenthèse enchantée où les siècles se télescopent pour le meilleur du souvenir, pour l'ouverture d'esprit qui donne un sens à l'éternité.